Accéder à des métadonnées
Cette affaire s’appuie sur une “Production Order”, c’est-à-dire une ordonnance judiciaire visant à contraindre un particulier ou une entreprise à fournir des données spécifiques dans le cadre d’une enquête. Cet ordre a été émis en avril 2024 par la Royal Canadian Mounted Police (RCMP), le service de police national. Elle exige des métadonnées liées à quatre adresses IP pour une enquête criminelle.
D’après le média allemand, la RCMP a délibérément choisi de contourner les traités d’entraide judiciaire mutuelle entre la France et le Canada, préférant ainsi passer directement par la filiale canadienne d’OVHcloud. Ces traités ont pour objectif de faciliter la coopération entre plusieurs Etats dans la lutte contre la criminalité transfrontalière.
Impossibilité technique du côté de la filiale canadienne
Or, la filiale canadienne d’OVHcloud – comme démontré dans les documents judiciaires – n’a aucun accès technique aux données stockées dans les data centers européens du groupe. Seule la maison mère basée en France peut le faire.
Malgré cette situation, la juge Perkins-McVey a rejeté la demande d’annulation de l’ordonnance le 25 septembre, au motif que l’enquête relève d’intérêts nationaux supérieurs. En effet, elle affirme que la présence virtuelle d’OVHcloud au Canada via ses activités commerciales suffit pour justifier la compétence canadienne.
Au-delà de l’impossibilité technique de la filiale canadienne, OVHcloud est soumise à la législation française qui lui interdit de transférer directement des données à des autorités étrangères hors des cadres internationaux, sous peine de sanctions. A l’inverse, s’il refuse l’injonction canadienne, il risque des poursuites pour outrage au tribunal et des sanctions pénales.
La juge a fixé une échéance très courte : le 27 octobre 2025 pour la remise des données, ce qui a conduit le fournisseur roubaisien à déposer un recours en urgence.
La France monte au créneau
La France a été obligée de réagir. Le Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques, rattaché à la Direction générale des entreprises (DGE), a écrit deux fois aux autorités canadiennes pour rappeler que toute transmission directe violerait le droit français.
De son côté, le ministère de la Justice s’est déclaré prêt à coopérer, à condition que le Canada emprunte la voie légale internationale.
Cette affaire intervient dans un contexte géopolitique tendu ravivant les craintes en matière de souveraineté des données. Elle montre également que, contrairement à une idée largement répandue, les pratiques d’accès extraterritorial aux données ne sont pas l’apanage des Etats-Unis.


































